Depuis l’essor des ChatGPPT et consort, une question revient fréquemment lorsque l’on aborde notre métier. Les IA peuvent-elles remplacer les journalistes ? Aussi simple cela puisse paraître, puisque la réponse est évidemment non, les nuances à apporter sont nombreuses.
« Le 11 septembre 2001, les États-Unis ont été frappés par une série d’attentats terroristes sans précédent. Deux appareils se sont écrasés contre les tours jumelles du World Trade Center à New York, provoquant leur effondrement en quelques heures. Le bilan humain est lourd : près de 3 000 morts et des milliers de blessés. Ces attaques ont marqué un tournant dans l’histoire contemporaine, entraînant des mesures de sécurité renforcées et le déclenchement de la « guerre contre le terrorisme » menée par les États-Unis. »
« Le 11 septembre 2001, le ciel tombe sur la tête des New-Yorkais. Du moins, ce sont deux avions de lignes qui finissent dans les tours jumelles du World Trade Center. 15h33, heure française. Le monde retient son souffle. Les programmes s’interrompent pour laisser place à un flash spécial annonçant la mort de milliers de personnes dans cette attaque terroriste sans précédent. Personne ne s’imagine l’ampleur de ce drame humain, avant de voir l’effondrement des deux tours en direct sur les télévisions du monde entier. Un bruit sourd. Insoutenable. Ponctué par les pleurs et les cris des personnes se trouvant aux alentours. C’est la fin du monde, ou plutôt d’un monde. Celle de l’ère pacifique des États-Unis.»
Vous avez aimé ces textes ? On espère que non, car l’un d’eux est entièrement écrit à l’aide de ChatGPT.
L’intelligence artificielle prend une telle place dans le paysage culturel, qu’aucun métier n’y échappe. En première ligne : le journalisme. Il est l’une des professions les plus enclines à disparaître sous la menace des logiciels tels que ChatGPT, Dall-E, Kitt, et bien d’autres. Beaucoup se demandent si l’IA peut remplacer ces milliers d’hommes et de femmes présents sur le terrain chaque jour. Encore une fois, on espère que non ! Surtout, on vous l’assure.
Relisez attentivement le premier texte, et analysez-le. Que manque-t-il à ce texte pour le rendre plus humain ? Un humain, tout simplement. Pourtant, les informations contenues sont exactement les mêmes que dans le second. L’intelligence artificielle a des limites, et elles sont plus nombreuses que ce que l’on pense.
LES LIMITES DE L’IA
L’intelligence artificielle est très efficace lorsqu’il s’agit de traiter des sujets connus et qui répertorient un grand nombre d’articles déjà rédigés. Compilation d’informations, synthèse rapide, l’outil peut effectivement s’avérer très utile. En revanche, lorsqu’il s’agit d’informations très récentes, le ciel s’assombrit pour le logiciel. Par exemple, si on lui demande des informations sur un fait précis, survenu il y a quelques minutes dans un périmètre défini, le flou est total.
Surtout, dans le cas où l’IA n’a pas de réelle information à donner, elle peut être amenée à générer une “hallucination digitale”, soit la production d’un texte basé sur les relances faites dans le script, mais fondé sur… absolument rien. L’IA invente alors un texte, sorti de nulle part ou presque.
De plus l’IA, contrairement au journaliste, n’est pas douée d’une sensibilité. Celui-ci est capable de distinguer les nuances et les sous-entendus, en conceptualisant l’information et en lui donnant du sens. L’intelligence artificielle n’est pas soumise à une déontologie ou à une éthique particulière. En ce sens, les dilemmes moraux ou la retransmission d’émotions ne peuvent s’appliquer à un logiciel de rédaction.
Il en va de même pour le style. Une IA peut rédiger un article bien structuré certes, mais elle peine à créer des angles originaux, ou encore à proposer des formats innovants. Le récit reste très factuel, et les faits s’enchaînent mécaniquement.
L’HUMAIN PLUS FORT QUE L’IA
Autre élément sur lequel une IA ne peut remplacer l’être humain. Le travail de terrain et l’échange avec l’humain. Une IA n’est qu’un programme auquel on donne des ordres ou auquel on adresse une demande. L’IA peut générer des questions selon les indications qu’on lui donnera, mais elle n’ira pas mener l’interview auprès de la personne visée. Elle ne saura rebondir sur une réponse pour approfondir ou mettre l’interviewé face à ses contradictions.
Le propre du journalisme est la relation humaine, puisque l’être humain est quasi-systématiquement la source primaire de l’information. Et c’est d’humain à humain que l’information se transmet, arrive jusqu’au journaliste, et non pas par le biais d’une IA qui n’a aucun pouvoir de décision.
L’intelligence artificielle peut donc être un outil utile pour les journalistes (lire l’article dédié – en cours d’écriture). En revanche, il ne peut et ne pourra jamais remplacer l’essence même du journalisme : l’amour de l’autre et le regard humain sur le monde.
Justine CARRIÈRE-LARIBI